Une journée à la mémoire de Bernard d’Espagnat a eu lieu le mercredi 15 juin 2016 à la Fondation Del Duca (Institut de France). Vous pouvez consulter le programme de cette journée ainsi que voir les vidéos des conférences dans l’onglet « PROGRAMME / Journée du 15 juin 2016 » de ce site.
Qu’est-ce que le Collège de Physique et de Philosophie ?
Héritage du dix-septième siècle, le sigle, Ph.D. (pour Doctor of Philosophy), qui, en Anglais, désigne le doctorat ès sciences, rappelle qu’à ses débuts la science moderne venait en complément de la philosophie. En gros, la bonne entente entre elles se maintint jusqu’à Kant inclusivement. Mais dès le début du dix-neuvième siècle les deux activités se séparèrent comme on le sait, et le fossé entre elles devint vite tel qu’en dépit d’explorations individuelles – on songe à Henri Poincaré – il semblait être devenu infranchissable.
Ce jugement est aujourd’hui à corriger. Plongeant au coeur de ce qu’on appelle « le microscopique » la physique contemporaine en découvre jour après jour l’étrangeté par rapport à notre univers d’autrefois, limité au macroscopique. Loin de nous est l’âge dit « classique » où les mots « objet », « lieu », « forme », mouvement » et autres termes généraux désignaient des notions premières, si manifestes que leur validité à toute échelle était tenue pour évidente. Où, s’appuyant à fond sur elles, la science paraissait (au moins à certains !) avoir enfin trouvé, pour accéder à… « tout », la voie directe et rationnelle rendant à jamais dérisoires aussi bien les recherches des philosophes que les illuminations des poètes.
Le physicien d’aujourd’hui est obligé de dire adieu à ce mirage. Très naturellement il tente alors de le remplacer par une conception générale de la nature qui, à tout le moins, soit ‘réaliste’ : entendons, formulée en termes d’entités connaissables existant tout à fait indépendamment de nous. Mais il constate que réaliser ce dessein sans méconnaître certaines découvertes de sa propre science exige l’acceptation d’idées radicalement déconcertantes, plus difficiles encore à adopter que celles des systèmes philosophiques considérés comme les plus fous ! Que peut-il dès lors faire, sinon s’interroger – au moins hors de ses « heures de travail » – sur des questions fondamentales qui relèvent – mais oui ! – de la philosophie ? En s’aidant éventuellement des ressources de cette dernière.
Mais la réciproque est vraie. Le philosophe, lui aussi, gagnera à se ressourcer dans la physique contemporaine. A ne plus regarder de haut – comme si elles ne touchaient qu’à de simples techniques utilitaristes – les récentes découvertes de cette science. Car celles-ci frappent de caducité, non pas seulement les extrapolations mécanicistes de la physique de Newton mais aussi les « idées claires et distinctes » de Descartes (comme nous venons de le constater), et jusqu’à, chez Kant, les (trop fameuses) « catégories », sans même parler de maintes autres tentatives de refondation de la connaissance jalonnant la pensée moderne et contemporaine. Disons-le, en bref mais sans exagération : les découvertes en question sont de nature à jeter un jour tout à fait nouveau sur le degré de plausibilité des diverses conceptions de l’être et de notre rapport à lui qui ont été envisagées ou auxquelles on pourrait songer. C’est ce dont, en nombre de pays, on commence à s’aviser et il sera bon qu’il en aille de même chez nous.
Le Collège de Physique et de Philosophie oeuvre, dans la mesure de ses moyens, en faveur d’un tel rapprochement, gros de promesses à long terme.
Origine du collège
Poursuivis depuis le milieu des années soixante, les travaux de Bernard d’Espagnat (physicien théoricien, membre de l’Institut) dans le domaine des fondements conceptuels de la Mécanique quantique lui ont valu l’attribution du prix Templeton en 2009.
La tradition veut qu’une partie de ce prix soit consacrée par les récipiendaires à favoriser de nouveaux travaux dans le domaine pour lequel ils ont été couronnés. Bernard d’Espagnat a souhaité la création d’une association ayant pour but l’étude approfondie des apports de la physique contemporaine à la théorie de la connaissance, particulièrement en ce qui concerne l’examen de la notion de « réel ».
C’est ainsi qu’est né le «Collège de Physique et de Philosophie» avec comme membres fondateurs aux cotés de Bernard d’Espagnat, Jean Petitot, Michel Bitbol et Hervé Zwirn.
Le Collège va d’une part, organiser, entre physiciens et philosophes spécialistes, des rencontres de mise au point afin de dégager les idées neuves émergeant des travaux en cours, et d’autre part, à travers des conférences et autres moyens appropriés, informer le public intéressé de celles de ces idées paraissant les plus propres à alimenter un débat.
Les thèmes qui sont abordés sont liés aux débats, renouvelés par l’analyse des fondements de la mécanique quantique, relatifs à l’existence d’une réalité indépendante, existant « en soi ». Ils sont également liés au problème de la causalité et à ceux que soulève la notion d’information. Les positions des physiciens et des philosophes sur ces questions sont loin d’être homogènes mais certaines d’entre elles sont aujourd’hui irrecevables quand on tient compte des résultats récents de la physique contemporaine.
Quelles sont aujourd’hui les conceptions cohérentes ? Quelles nuances faut-il apporter au réalisme pour lui permettre de survivre ?
Faut-il considérer un concept de causalité élargie pour tenir compte du fait qu’une éventuelle réalité indépendante serait première par rapport à l’espace-temps ? Telles sont quelques une des questions abordées lors de nos rencontres et dont nous tenterons, dans un deuxième temps, de diffuser les résultats auprès du grand public intéressé.
Le présent site présente dans le détail les comptes rendus de ces travaux. Via les onglets bibliographie, il donne également accès au contenu de nombre d’articles originaux relatifs aux thèmes étudiés.